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Dominik Florentine en cinq
dates
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1962 : naît à Baillif, en
Guadeloupe, d'un père docker puis chauffeur de camionnette et d'une mère
auxiliaire-puéricultrice
1986 : entre à l'École Normale de Cayenne, en Guyane
1989 : nommé sur son premier poste, en CM2, à Kourou, toujours en
Guyane
1991 : revient en Guadeloupe, dans une classe de CP
2007 : teste avec succès sa méthode sur les élèves d'une grande
section de maternelle
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« Quand
vous êtes en altitude, tout se confond au sol. Plus vous descendez, plus les
détails deviennent distincts... Le regard de l'enfant s'apparente un peu à
ça. Quand il arrive, il voit les mots écrits sur le tableau, mais il ne
comprend rien. Tout est flou, mélangé. »
Depuis un exposé réalisé, en 1987, alors qu'il était encore à l'École Normale
de Cayenne, en Guyane, Dominik Florentine en est convaincu : l'enseignement
chez les enfants peut se comparer au survol d'une région en avion ou en
hélicoptère. « La pédagogie revient donc à l'aider à se rapprocher des
détails ».
Vu du ciel
En 1991, alors qu'il vient d'être nommé dans une classe de CP en Guadeloupe,
c'est pourtant lui qui atterrit : « J'avais une obligation de résultat :
les enfants devaient savoir lire et écrire à la fin de l'année, et je me suis
retrouvé en difficulté. Je ne savais pas comment faire ! » Pendant une
quinzaine d'années, Dominik Florentine va donc promener sa curiosité au gré
des multiples postes occupés sur les trois départements d'outre-mer : Guyane,
Martinique et Guadeloupe. « Je voulais savoir quelles méthodes y étaient
utilisées, comment travaillaient mes collègues, à quels moments ils
réussissaient et pourquoi, ce qui ne marchait pas... » Repensant souvent
à son exposé, il s'interroge alors notamment beaucoup sur l'éducation du
regard. Une réflexion sur l'oreille, la concentration et le schéma corporel
complète le travail.
Percussions et balles de tennis
Petit à petit, le musicien et le sportif qu'est également Dominik Florentine
mettent au point une méthode destinée à développer l'acuité visuelle et
auditive des enfants. À raison de trois séances quotidiennes, il leur apprend
progressivement à déchiffrer des partitions rythmiques, où chaque signe
correspond à un instrument : « Une blanche représente le tambour ; une
noire, la grosse caisse ; une croche, la conque de lambi*... Les enfants
doivent rester concentrés, pour utiliser leur instrument au bon moment. Tout
en s'amusant, ils améliorent ainsi la précision et l'endurance de leur regard
et de leur ouïe ».
L'apparition d'une deuxième ligne aide à dissocier main gauche et main
droite. D'autres exercices font travailler la maîtrise gestuelle et le regard
: « Je les fais beaucoup jouer avec des balles... les envoyer contre un
mur, les rattraper, les faire rebondir, les lancer à un camarade... »
Dans l'esprit du pédagogue, cet entraînement basé sur la concentration et la
maîtrise doit permettre aux enfants d'aborder l'apprentissage de la lecture
et de l'écriture avec le maximum d'atouts.
Un film pour transmettre
A ce moment de sa carrière, Dominik Florentine appartient à la BFC, brigade
créée pour remplacer les enseignants qui suivent des stages de formation
continue. Après avoir testé sa méthode par petites touches dans toutes les
classes où il intervient, Dominik Florentine demande à prendre en charge une
maternelle grande section pour l'expérimenter sur une année. En 2007, il est
nommé à Baie-Mahault, à quelques kilomètres de Pointe-à-Pitre. « L'institutrice
qui a accueilli les élèves en CP l'année suivante n'avait jamais vu ça. En
décembre, ils savaient tous lire et écrire et auraient pu passer en cours
élémentaire. »
Mais, de son propre aveu, Dominik Florentine est « totalement allergique à
tout ce qui est administratif, aux rapports et à tout ce qui ressemble à de
la paperasse ! » L'année suivante, il abandonne donc son poste de
titulaire pour retrouver la BFC. Son efficacité à peine vérifiée, il n'a plus
l'occasion de mettre sa méthode en pratique.
Heureusement, entre-temps, les résultats de l'expérience sont arrivés
jusqu'aux oreilles d'une conseillère pédagogique. « À partir de la rentrée
prochaine, je dois être détaché pour l'accompagner dans les écoles et y présenter
ma façon de travailler, lors d'animations pédagogiques. Elle est également
décidée à me filmer et à transcrire ma méthode par écrit, pour qu'elle puisse
être diffusée et laisser une trace ».
Patrick Lallemant
*Corne
réalisée dans la coque d'un coquillage (le lambi) et dans laquelle on souffle
pour obtenir un son.
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